Pour défendre le Liban

وثائق 14 آذار
10 اذار 2011

Pour défendre le Liban
Pour la liberté, la justice et la démocratie

                         Bristol, le 10 mars 2011


Chers Libanais, 

Au printemps 2005, les Libanais sont parvenus à mettre un terme à la tutelle sécuritaire et politique qui pesait sur la décision nationale. Aussi ont-ils été les avant-gardistes du changement pacifique et démocratique dans le monde arabe: un changement politique pacifique opéré grâce à une mobilisation massive du peuple, loin des putschs militaires, des intifadas armées ou des ingérences étrangères. 

Dès le premier instant, le mouvement indépendantiste, attaché aux valeurs démocratiques, s’est employé à reconstituer le pouvoir par le biais des urnes. Pour la première fois depuis des décennies, des législatives libres ont été tenues en 2005, confirmant le refus par la majorité des Libanais des exactions du passé, et la capacité des jeunes de la place de la Liberté à restituer le pouvoir au peuple. Elles ont prouvé que l action à travers les institutions constitutionnelles est la garante de la stabilité et la solution aux grands problèmes qui se sont accumulés durant la guerre civile et la période de tutelle. 

Ce mouvement indépendantiste a tendu la main à toutes les factions politiques sur base de l’intégration de tous dans l'Etat et le respect par tous de la Constitution, loin de tout monopole du pouvoir. Malheureusement, les autres factions politiques, et notamment le Hezbollah, ont refusé d’admettre la fin de la tutelle et les résultats des législatives, et se sont retournés contre le mouvement indépendantiste, appuyés par des forces régionales. Ils ont tenté de renverser le système démocratique en imposant la théorie du Liban-arène de guerre ouverte et la primauté des armes du Hezbollah sur l’entité et l’unité du Liban, sur l’Etat, sur la liberté, la stabilité, la prospérité, la loi et la justice. Ces parties ont maintenu les pratiques du passé et ont œuvré pour la neutralisation de la justice, en entravant la création du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) sachant que ce dernier est le seul recours de juger les criminels qui ont assassiné un nombre de leaders et d’innocents citoyens libanais en toute impunité. Ainsi les symboles du mouvement indépendantiste ont-ils subi des vagues d assassinat et d’intimidation. Et le sit-in au centre-ville pendant plus de dix-huit mois a suivi la paralysie de l’action gouvernementale à travers le désistement et la démission. Un climat de division a été créé, à l’issue d une campagne d’accusations de traîtrise sans précédent suite à la guerre de juillet 2006 qui a visé le Liban et dont le peuple libanais a payé le prix. La guerre destructrice contre l’ennemi israélien en 2006 a été exploitée aux fins d une campagne interne de tromperie et d’accusations de traîtrise sans pareil. Des lignes rouges ont été imposées contre l’armée dans la guerre de Nahr el-Bared contre le terrorisme. Un putsch a été orchestré contre notre système républicain parlementaire, dont les piliers ont été dévastés et le fonctionnement interrompu, en raison du verrouillage du Parlement et la détermination à faire perdurer la vacance à la première présidence six mois durant, et, enfin la mainmise sur Beyrouth et le retournement des armes contre la montagne et d’autres régions libanaises. Ainsi le pouvoir politique s est-il vu incapable d’œuvrer pour l’intérêt public. En dépit de l’extrême difficulté engendrée par ces développements, le mouvement indépendantiste a tenu bon, attaché à l’Etat, à la Constitution et au principe de l’étendue du pouvoir de l’Etat sur l’ensemble du territoire libanais, protégeant ainsi la République et son système démocratique. A travers le gouvernement, grâce à l’appui arabe et en collaboration avec la communauté internationale, ce mouvement a pu constituer un filet de sécurité, donnant lieu à la résolution 1701 destinée à protéger le Liban contre les agressions israéliennes, au TSL visant à rendre justice et à libérer la vie politique et publique de l’emprise des assassinats politiques. Ce mouvement a renouvelé son mandat populaire aux législatives de 2009 qui ont permis aux Libanais d’opposer une fin de non-recevoir au retour à la période d avant l’intifada de l’indépendance. 

Et encore une fois, les parties adverses ont refusé les résultats des élections et exigé le tiers de blocage au sein du gouvernement, et, forts de leurs armes, paralysé le pays et ses institutions. Le consentement leur a été accordé sur base de leur engagement à œuvrer pour la réalisation des soucis prioritaires du citoyen, l’attachement au TSL, le respect des institutions et le non recours aux armes. Cette partie a toutefois réintégré le gouvernement, les armes à la main, et a essayé d’imposer sa volonté au Liban, paralysant toute décision ne jouissant pas de son approbation, et réfutant tous ses engagements, notamment sa coopération avec le TSL. Elle a réclamé de saper le concept de la justice et de renoncer au TSL, donnant le choix aux Libanais entre liberté et justice ou paix civile et sécurité. 

Chers Libanais, 

Le sixième anniversaire du mouvement indépendantiste libanais survient à l’heure où les révoltes du changement démocratique secouent le monde arabe, exprimant la vitalité et la volonté d’essor des peuples arabes. Ces soulèvements populaires arabes prennent des dimensions morales authentiques étant donné qu’ils reposent sur trois valeurs fondamentales : la liberté, la dignité et la justice. Ils rejettent les régimes d’hégémonie et de mainmise ainsi que la corruption rampante. Ils désertent l’espace idéologique des régimes de la pensée unique et du monopartisme, et ouvrent des perspectives de développement et de croissance pour leur pays. En sortant leurs nations des crises et de l’impuissance chroniques face à l’arrogance de l’ennemi israélien, ils réfutent les prétentions de cet ennemi à l’exception démocratique israélienne dans la région. En effet, ils incarnent des mouvements civils qui puisent leurs forces dans une jeunesse nouvelle, une jeunesse qui a pu arracher l’initiative de l’emprise de l’establishment, et qui permet de surmonter les différends confessionnels et ethniques sur base de la coexistence et de la citoyenneté, et de remettre la cause palestinienne dans le giron arabe solide. 

Ces mouvements se retrouvent avec l’intifada de la liberté et de l’indépendance au Liban, qui a pris naissance à la suite de l’assassinat de l’ancien Premier Ministre Rafik Hariri le 14 février 2005 et des autres assassinats qui ont suivi. Le 14 mars, les Libanais ont investi les rues en colère contre l’horreur du crime, voire des crimes qui ont marqué des décennies, et aspirant à l’indépendance, la liberté, la justice, la dignité, et à un Etat fort, souverain, libre et juste. Aucun ne s’est soulevé sur décision d’autrui, chacun se considérait comme un véritable partenaire dans la bataille pour la liberté, l’indépendance et l’Etat civil. 

Alors que le mouvement du 14 mars a servi d’exemple pour la jeunesse arabe, il est inadmissible que les jeunes du Liban, pionniers de la liberté, acceptent le retour de leur pays en arrière, à l’ère de la pensée unique et du monopartisme, du régime de la tyrannie, de l’oppression et des armes. Ils ne sauraient permettre l’anéantissement des composantes de l’Etat uni, souverain, pluraliste, ouvert, démocratique et libre, ni l’émergence d’un pouvoir qui s impose tuteur de la volonté des Libanais par les armes. 

Le Liban fait actuellement face à de graves dangers qui menacent son existence, son entité et son avenir. Ainsi risque-t-il de perdre de nouveau son indépendance et de retourner aux divisions communautaires et sectaires, terrain fertile pour le retour des tutelles, à l’heure où la région arabe s’affranchit des geôles du despotisme. Il risque de voir la démocratie asphyxiée et son régime ployer sous le joug du monopartisme et de la pensée unique par la force des armes. Il risque de faire face à la dégradation du niveau de vie des Libanais, qui pourraient perdre les acquis socioéconomiques qu’ils ont préservés et développés non sans peine, en dépit des conflits intérieurs et extérieurs et de la crise financière et économique mondiale. Le Liban risque de voir ses citoyens dépendre comme avant des aides de tel parti ou tel Etat et ses plans de réforme et de développement abandonnés. 

Il risque d’être entraîné dans les spirales d’un axe étranger au moment où les peuples arabes recouvrent leur décision et se libèrent de l’impuissance, de l’affaiblissement et de la polarisation en faveur de telle partie étrangère ou telle autre. Et il risque de s’extraire du giron de la légalité internationale. 

Il est de notre responsabilité à tous, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, chrétiens et musulmans, résidents et expatriés, de faire face à ces dangers. 

De par leur attachement à l’intérêt du Liban et de son peuple, et à la défense du Liban-nation de la liberté, de la démocratie et de l’Etat civil, les forces du 14 Mars s’engagent à œuvrer avec tous les Libanais pour la protection des constantes nationales suivantes : 

1-Affirmer l’attachement des forces du 14 mars aux principes consacrés par la Constitution libanaise et le document d’entente nationale connu sous le nom de l’Accord de Taëf, notamment la souveraineté, l’indépendance, la finalité, l’unité nationale, l’intégrité territoriale et l’arabité du Liban ainsi que le respect de ses engagements arabes et internationaux et de son régime parlementaire démocratique qui assure l’égalité des citoyens; le système économique libre; le développement durable. 

Refuser de trier les Libanais en fonction de leur appartenance; refuser toute division et implantation; considérer le pacte de coexistence comme source de légitimité du pouvoir; et proclamer l’engagement au principe de parité islamo-chrétienne au pouvoir. 

2-Défendre la souveraineté menacée du Liban en confiant cette mission au seul Etat, aux quatre coins du pays, y compris en ce qui concerne les armes palestiniennes hors et dans les camps. Mettre un terme à l’emprise des armes sur la vie politique et sociale à l’intérieur du pays, en finir avec l’hérésie selon laquelle la défense du Liban est la « spécialité » d un parti et source de division des Libanais en deux catégories: ceux qui n adhèrent qu’à leurs propres règles et normes sur base des armes, contrevenant les dispositions de la Constitution et les lois en vigueur ; et ceux qui respectent le droit public commun. 

Cela pourrit le partenariat national, menace la coexistence et sape la crédibilité des institutions. 

3-Défendre le droit des Libanais à l’édification d’un Etat digne d’eux : un Etat civil et moderne, un Etat débarrassé des conflits intercommunautaires, capable de garantir les libertés fondamentales des citoyens; un Etat où prévaut l’état de droit, où la séparation des pouvoirs est sacralisée ainsi que leur coopération selon les mécanismes fixés par la Constitution ; où la justice est totalement indépendante du pouvoir politique ; où les administrations sont bâties sur les bases démocratiques de la compétence et du mérite ; où nul ne saurait utiliser les deniers et les services publics à des fins personnelles ou partisanes. 

4-Défendre la liberté des Libanais, leur droit de vivre dans une société moderne et ouverte, sans que la religion ne soit utilisée à des fins politiques ou pour façonner des identités autarciques et belligérantes qui recourent à la violence au nom du sacré ; une société qui respecterait, pour leur valeur intrinsèque, la femme comme l’homme, les citoyens dans le besoin, les salariés comme les employeurs, partout au Liban. 

5-Renforcer la confiance dans le système politique, consolider la stabilité et promouvoir les réseaux de sécurité sociale pour encourager les investissements au lieu de provoquer leur fuite à l’étranger en raison des troubles et de l’instabilité qui prévalent au Liban depuis des décennies. Consacrer le respect des valeurs de la production et de la productivité et contribuer à l’amélioration du niveau de vie des Libanais. 

Aller de l’avant vers la lutte contre la pauvreté, la création de nouveaux emplois pour la jeunesse libanaise, et la fin de l’émigration hémorragique. Ainsi l’Etat saura-t-il planifier pour l’avenir, protéger ses droits aux richesses naturelles nationales et adopter les réseaux sociaux qui protègent les droits des salariés et l’avenir des personnes âgées et des retraités. Les lois doivent imposer le respect de la nature, empêcher l’agression contre l’environnement, protéger le patrimoine national tout comme la santé des citoyens, et réaliser un progrès en matière de sécurité, de stabilité, de croissance économique, de développement régional équilibré, et de niveau de vie. 

6-Défendre le droit des jeunes à participer à l’esquisse d un nouveau monde arabe, pluraliste et démocratique ; un monde arabe libéré de l’impotence, de la tyrannie, du fanatisme et de la violence ; un monde arabe à même de protéger ses intérêts stratégiques grâce à la solidarité et à l’action commune; un monde arabe capable, à travers sa position au sein de la communauté internationale, d’imposer une solution juste à la cause palestinienne de manière à ce que le peuple palestinien puisse recouvrer ses droits nationaux et faire échec à tous les projets d’implantation et de déplacement que les Libanais, dans leur ensemble, refusent catégoriquement. 

7-Défendre la justice et le TSL et adopter chacune de ses décisions afin de mettre fin au cycle des assassinats et d’instaurer une stabilité effective dans le pays. Ce tribunal est l’exploit que les Libanais ont réalisé. C’est à eux que revient le mérite d’avoir généralisé et introduit la notion de justice dans la vie nationale et arabe. 

Chers Libanais, 

Nous nous engageons à travailler et à défendre tout ce qui a précédé par la lutte pacifique, démocratique et civile au Liban et dans les pays d’émigration et ce, à travers : 

a) Les blocs de députés du 14 mars et leurs alliés ; 

b) Les partis politiques ; 

c) Les forces politiques indépendantes ; 

d) Les institutions et les organismes de la société civile. 

L’action politique demeure avec vous, chacun de vous, de l’extrême Sud à l’extrême Nord en passant par Beyrouth, la Montagne et la Békaa. 
Aucune cause n’est plus noble que l’existence du Liban et la coexistence des Libanais. 

Voilà pourquoi nous réaffirmons notre attachement au Liban de la diversité, des libertés, de la démocratie, de l’Etat de droit, de la loi et des institutions légales auxquelles nous n’accepterons aucune alternative ; 

Notre attachement à soutenir la cause palestinienne, notamment par la création d’un Etat indépendant et le droit au retour ; 


Notre attachement à la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du Liban et à la solidarité avec l’Etat pour la libération des parcelles de territoire encore occupées ; Notre attachement aux résolutions de la légalité internationale en faveur de la souveraineté, de l’indépendance et de la justice au Liban ; 

Notre attachement à la pluralité religieuse, intellectuelle et politique ; 

Notre attachement à la soumission de chaque Libanais à la loi libanaise, et au refus des mini-Etats; 

Notre attachement à une vie décente, libre et volontaire parrainée par l’Etat libanais; 

Notre attachement au respect des pactes nationaux, des dispositions de la Constitution, des lois et des principes de notre régime républicain démocratique parlementaire, et notre refus de son renversement ou son contournement ; 

Notre attachement aux valeurs républicaines, notre refus du repli et du fanatisme et notre condamnation de la violence, des assassinats et du terrorisme ; 

Notre attachement à la justice et aux droits des Libanais à une vie sûre, libre, décente et prospère ; 

Notre attachement à la prospérité, la croissance et le développement de notre économie, ainsi qu’au bien-être et au progrès de notre peuple. 

Nous refusons le chantage paix et sécurité contre liberté, justice et vérité. 

Convaincus que le Liban est une patrie définitive pour tous ses citoyens et attachés à l’unité de son peuple et de ses institutions, nous appelons les Libanais, toutes appartenances géographiques, religieuses et politiques confondues, à faire face ensemble au complot visant à miner la formule civilisée libanaise, à balayer les rêves libanais de l’Etat du droit, de la sécurité et de la prospérité, et à saper la notion de l’existence du Liban comme creuset historique de dialogue interculturel et interreligieux. 

Nous proclamons notre présent pacte pour que toutes les parties réalisent la gravité de la situation et pour que nous œuvrions ensemble au lancement d’un chantier national qui puisse mener à un accord sur nos constantes nationales et réunir notre peuple. Le Liban appartient à tous ses citoyens et non pas à une partie d’entre eux. Toute tentative de domination est vouée à l’échec. Œuvrons donc ensemble pour la défense du Liban, la sauvegarde de sa liberté et sa démocratie et l’édification de l’Etat civil. 
Retrouvons-nous dimanche dès 10 h avec le seul drapeau libanais, sur votre place, la lace de la Liberté, où la voix du peuple sera plus forte que celle des armes ! 

Chers Libanais, 

Ce document politique ne fera l’objet d’aucun compromis et d’aucun renoncement, parce que nous refusons la discorde, parce que nous voulons défendre le Liban.